Tisserand de la compréhension du devenir
Conférencier, expert et auteur

Marché ou dictature ?

La liberté de vivre dans la médiocrité.

Le Marché est une fiction théorique qui exprime le simple fait que ceux qui dépensent de l'argent, ont leurs préférences légitimes. Le Marché est un nom abstrait pour désigner un des organes de régulation de l'économie libre.

Et, en tant qu'organe de régulation, le Marché applique certains critères : ceux de la préférence d'achat des gens. Si les gens achète des produits ou services possédant de la valeur d'utilité, l'utile sera vendeur. Si les gens achète des produits éthiques, alors l'éthique sera vendeuse. Si les gens préfèrent les bas prix et les mauvaises qualités, les bas prix et la mauvaise qualité seront vendeurs.

Ceux qui aujourd'hui se plaignent des critères du Marché, pleurnichent en fait sur la médiocrité des masses humaines.

Si le Marché conduit à des salaires de dizaines de millions d'euros par an pour un footballeur acéphale plutôt que pour un physicien de haut vol, ce n'est ni le Marché, ni le footballeur qu'il faut incriminer, mais seulement la lamentable médiocrité des masses qui préfèrent le foot à la science.

Le Marché, quel qu'il soit, n'est que le parfait miroir de la réalité des masses humaines et de leurs choix de vie.

 

Ceci posé, de deux choses l'une : ou bien l'on décide que l'humain a la pleine liberté de choisir la médiocrité, ou bien l'on décide que l'humain doit être mis sous contrôle et qu'une autorité (Laquelle ? L'Etat ?) a le devoir de l'éduquer dans le bon sens et de lui imposer des préférences préférables à celles qui lui sont naturelles.

Voilà un des nœuds d'opposition irréductible entre libéralisme et socialisme (ou étatisme, ce qui revient au même).

Pour le libéralisme, l'humain a le droit de librement choisir cette médiocrité que le Marché reflètera. Tant pis pour ceux que cette médiocrité révulse (dont moi).

On pourrait dire - et c'est une tentation que j'ai - que le Marché conduit l'humanité vers un terrible suicide collectif du fait que les masses sont incapables de comprendre les véritables enjeux écologiques et le cataclysmique effondrement (au sens de Jared Diamond) qui nous guette tous, et qu'elles préfèrent continuer à se goinfrer de saloperies et d'ignominies quelles qu'en soient les conséquences.

Je le sais bien, moi qui prêche la frugalité depuis bientôt 25 ans, que ce message ne touche pas grand monde (riche comme pauvre) et que le culte du confort douillet et de la grande goinfrerie prime les avertissements de Cassandre. Et alors ?

 

Faut-il imposer une dictature mondiale - qui verra fleurir aussitôt tous les marchés noirs que l'on voudra - et imposer la loi de l'intelligence à la médiocrité des foules ? On ne fait pas le bonheur des hommes malgré eux ! Les prisons seront pleines et les fraudeurs, faux-monnayeurs et autres contrebandiers feront fortune … mais cela ne changera rien à la médiocrité des masses, riches et pauvres confondus. Il suffit de voir la puissance et la fortune des marchés de la drogue (ou de l'alcool du temps de la prohibition, ou des "dons" d'organe, ou de la prostitution féminine et enfantine, ou des "mères porteuses", etc.) dans ce monde qui dit vouloir l'éradiquer, pour comprendre la vanité d'une telle dictature de l'intelligence sur la bêtise humaine.

Qu'on le veuille ou non, le Marché est la seule vraie démocratie : chacun peut y proposer ce qu'il veut et chacun peut y acquérir ce qu'il veut. Ce que la majorité veut est déplorable, voire détestable, c'est entendu mais : vox populi, vox dei !

 

Il y a un Marché de l'emploi, aussi, très contractualisé, où chacun peut louer ce qu'il est, à quelqu'un (une personne morale ou physique) qui a besoin, temporairement de ce que l'on peut lui apporter de soi.

On parle ainsi d'un apport de temps, de travail, d'énergie physique ou mentale, de connaissances, de talents, de savoir-faire, de courage, de volonté, etc … en échange, selon Abraham Maslow, d'argent, de sécurité, d'appartenance, de reconnaissance et d'épanouissement de soi.

Sur ce marché qui est l'acheteur ? Les entreprises, essentiellement. Ce sont donc les préférences des entreprises qui devraient dicter à ce marché ses règles de fonctionnement. Il n'en est rien. Malheureusement.

Les critères qui régissent ce marché particulier sont purement idéologiques. Ce Marché n'est pas libre ; il est contraint … et fonctionne donc mal.

 

La notion de Marché, telle qu'esquissée ci-dessus, n'est pas qu'économique puisqu'elle s'étend aussi à la finance (les marchés de l'argent et des placements) et à la politique (le marché des suffrages en démocratie).

Le premier réflexe, lorsqu'on connaît la nocivité majeure du boursicotage et de la démagogie, serait, sans doute, de détruire les Bourses et les Etats (deux très vieux amis qui s'entendent, d'ailleurs, comme larrons en foire). Je ne suis pas contre.

Interdire, partout, les marchés de l'argent pour l'argent. Passer partout de la démocratie à la stochastocratie. Eliminer les Etats nationaux au profit d'instances socioéconomiques locales et d'instances stratégiques continentales. Je ne suis pas contre du tout.

 

Mais comment faire ? Comment faire sans passer par des formes autoritaires de pouvoir qui stimuleront, de facto, l'émergence de marchés noirs tant financiers que politiciens ?

Oui, je sais, c'est triste à pleurer, mais les humains sont ainsi faits que, très majoritairement, ils préfèrent les servitudes volontaires à des institutions viciées et vicieuses, plutôt que l'intelligence et la sagesse, l'autonomie et la responsabilité de soi. Faut-il, alors, devenir révolutionnaire ?

Toutes les révolutions ont débouché sur des tyrannies pires que celles qu'elles ont renversées. Il faut donc se résigner à l'effondrement "naturel" des structures obsolètes et létales.

 

"Patience et longueur de temps

Font plus que force ni que rage !"

Leçon du Rat au Lion …

 

Marc HALEVY, 7/2018