Tisserand de la compréhension du devenir
Conférencier, expert et auteur

A propos des "notations" en ligne

A propos des "jugements en ligne" pudiquement appelés "notations"

, Laurence Neuer, dans "Le Point", écrit :

" La notation alimentée librement par les usagers est un joyeux amalgame d'objectivité et d'émotions, saupoudrées de l'humeur du jour et d'une éventuelle volonté de nuire. Ce type d'outil est sujet à de multiples dérives : dénigrement déguisé d'un concurrent, chantage aux commentaires, mauvaise foi."

 

Il faut rappeler que la naissance de "The Face Book" n'était autre que la notation des filles du campus de Mark Zuckerberg en vue d'une élection de miss (d'où le nom : "le livre des visages" qui aurait dû s''appeler, en gaulois : "Fesse Bouc"). Ce concours à l'aguicheuse serait aujourd'hui hautement condamné comme "politiquement incorrect", comme "inapproprié" et comme atteinte aux femmes désormais interdites de séduction et de féminité au nom de l'hyperféminisme.

 

Les réseaux sociaux ne sont rien d'autre qu'un tribunal populaire permanent comme ceux de l'Inquisition espagnole ou de la Terreur robespierrienne. D'ailleurs, les signes utilisés pour les unlike ou les like viennent du pouce baissé ou levé condamnant un gladiateur malheureux à la mort ou non.

Car il s'agit bien de tentative de mise à mort médiatique et sociale, avec des conséquences psychiques graves pour les esprits les plus faibles qui y réagissent parfois en allant jusqu'au suicide, surtout chez des adolescents.

 

Se voulant, originairement, un lieu d'hyper-démocratie, les réseaux sociaux subissent, aujourd'hui, les conséquences inévitables de leur concept même : la démocratie populaire ne peut que dériver vers la manipulation des masses par les démagogues, vers la dictature de l'émotion contre la raison, vers le triomphe de l'ignorance sur la connaissance, vers la victoire de la bêtise sur l'intelligence, vers la toute puissance de la mauvaise foi, du mensonge et de la calomnie, vers la prolifération et la propagation de toutes les "théories" la plus affligeantes et contre-scientifiques qui soient, comme les théories du complot, ou la théorie du genre, ou la théorie de la terre plate, ou la théorie de la vérité créationniste anti-darwinienne, et j'en passe et des meilleures.

 

Tout jugement (même appelé pudiquement "notation en ligne") est une évaluation à prendre au sérieux. La génération Y affirme qu'elle a le jugement en horreur et en brocarde l'idée à tout-va ; elle est pourtant la plus grande consommatrice des réseaux sociaux et de ses like et unlike. Pourquoi ? Parce qu'aucun de ses membres n'accepte qu'on le juge lui, mais ne voit aucun inconvénient à juger tout le reste.

 

La vie appelle l'évaluation. Toute décision, tout choix, toute progression nécessitent une évaluation de la situation et des partenaires qui y sont impliqués. Jauger l'autre est vital. Cependant, une évaluation, pour être crédible et légitime, doit être rationnelle (et jamais émotionnelle), construite méthodiquement sur base de critères clairs, visibles et convenablement choisis.

En démocratie populaire, en général, et sur les réseaux sociaux, en particulier, cette démarche rationnelle et sérieuse n'est jamais de mise.

Tout, là-bas, est soumis au cerveau reptilien …

Marc HALEVY,  16/12/2019