Tisserand de la compréhension du devenir
Conférencier, expert et auteur

L'anti-écologie de l'écologisme

Le problème si mal posé, de façon si mensongère et si manipulatoire, de la transition énergétique …

Au nom de la "Transition énergétique", le politique met en place une stratégie qui se veut écologique. En gros : des éoliennes partout sur terre et en mer, et des véhicules électriques en ville … assaisonnés de quelques photovoltaïques et de quelques biomasses. Trois regards sont indispensables pour bien comprendre ce qui se passe …

 

Premier regard …

Nous vivons déjà la fin de l'ère "hydrocarbure" (ce qui, par parenthèses, signe le fin des économies du Russoland et de l'Islamiland). Avant 2100, on ne parlera plus de pétrole. Le charbon (combustible numéro un aux Etats-Unis, en Allemagne et en Chine, entre autres) est, quant à lui, une calamité en termes d'émission de gaz à effets de serre responsables des dérèglements climatiques : ses réserves souterraines diminuent à toute vitesse et seront épuisées vraisemblablement vers 2150 Le seul combustible fossile qui assurera la production d'électricité de masse par la suite, pendant encore un tout petit siècle, est le nucléaire (fission, surgénération et un peu de fusion).

L'hydroélectricité qui est la seule technique de reconcentration d'énergie solaire possédant un rendement viable, est aussi la seule voie de production d'énergie de masse qui puisse être pérenne.

Ceux qui pérorent dans les médias sur les problèmes énergétiques n'ont, en général, aucune idée de la branche de la physique qui s'occupe de l'énergie et de ses transformations : la thermodynamique. Or, celle-ci est sans appel : en physique, il n'y a jamais de miracle. Tout a un coût, même si ce coût est caché. En gros, une énergie se caractérise par une quantité (mesurée en joule ou en kilowattheure) et par une qualité (son entropie c'est-à-dire son taux de dilution). Ainsi, l'énergie qui arrive du soleil sur Terre, arrive en grande quantité, mais avec une très mauvaise qualité (l'énergie solaire, telle quelle, n'est utilisable par l'homme que pour produire des coups de soleil ou du bronzage) ; pour être utilisable, elle doit être reconcentrée et c'est ce que font les barrages, les éoliennes ou les cellules photovoltaïques qui transforment des joules solaires à faible densité en joules électriques à haute densité.

Or, la thermodynamique est formelle : plus l'entropie entrante est mauvaise, plus les coûts de reconcentration sont énormes, tant en investissements financiers, qu'en consommations de matériaux non renouvelables, qu'en coûts d'installation et d'entretien. Il n'y a pas de miracles !

Si l'on veut comprendre quelque chose à la production d'énergie concentrée à partir d'énergie diluée, il faut s'intéresser à un facteur appelé Taux de Rendement Energétique (TRE). La réalité est simple : seules les techniques de reconcentration possédant un TRE supérieur à 7 sont économiquement et écologiquement viables. Le champion toutes catégories est l'hydroélectricité. Puis arrivent, dans l'ordre, le nucléaire, puis, plus loin, le pétrole, le gaz "naturel" et le charbon (leur TRE diminue rapidement du simple fait que moins il y en a, plus les coûts d'extraction deviennent prohibitifs). Quant aux énergies dites renouvelables, deux aspects doivent en être soulignés :

  • en termes de renouvelabilité, seul leur carburant - le vent, la lumière, le courant marin, … - est gratuit et renouvelable, mais le processus de reconcentration consomme, lui, énormément de ressources non renouvelables ;
  • les TRE de ces énergies "douces" sont tous inférieurs à 7 et sont donc condamnés à n'être ni rentables, ni efficaces, ni durables, ni viables. Ces techniques sont des leurres absolus dont le développement est techniquement aberrant, mais symboliquement, idéologiquement et politiquement "bienpensant".

 

Deuxième regard …

Les dégâts collatéraux des énergies dites "renouvelables" ou "douces", sont énormes.

Outre qu'elles consomment toutes, en grande quantité, des matériaux très sophistiqués, très chers, peu recyclables et, pour certains, très précieux (les "terres rares" par exemple), ces techniques induisent de très nombreux effets nocifs tant pour l'homme que pour l'environnement.

Les éoliennes, par exemple, impliquent des tonnes de béton, de cuivre, de métaux non-ferreux, de fibres au carbone, etc … détruisent la faune et la flore, et produisent des effets acoustiques et magnétiques indubitablement nocifs sur les humains comme sur le bétail (sans parler du massacre des paysages et des sites naturels). De plus, la production éolienne étant très intermittente, elle impose de construire de nouvelles centrales électriques classiques pour suppléer ses carences régulières

Les véhicules électriques, de même, économisent indéniablement de l'essence, mais imposent, pour se recharger, la construction et l'exploitation de nouvelles centrales électriques (avec combustible nucléaire, pétrolier ou charbonnier). Le moteur électrique ne pollue plus en ville, mais il dédouble la pollution dans les campagnes où ces centrales sont installées. De plus, ces véhicules électriques impliquent l'usage de batteries de grosse capacité, qui sont des catastrophes écologiques tant pour les fabriquer que pour s'en débarrasser.

Les panneaux photovoltaïques coûtent un pont à fabriquer et à entretenir, consomment beaucoup des précieuses terres rares et sont totalement non recyclables, sans parler de leur efficacité très intermittente.

Les concentrateurs paraboliques utilisant des miroirs pour réchauffer de l'eau, sont des installations qui consomment énormément d'espace et nécessitent une "source froide" rarement disponible là où le soleil chauffe vraiment (cfr. l'absurde projet de 160 hectares à Ouarzazate au Maroc).

Etc …

Disons-le d'un mot : les énergies de substitution dites "renouvelables" ou "douces" ne sont pas plus propres, inoffensives ou recyclables, que les énergies classiques. Mais elles sont beaucoup moins efficaces et ne sont pas du tout rentables (sauf du point de vue capitalistique et financier pour les industriels dont les lobbies font le forcing auprès des décideurs politiques).

De plus, ces énergies substitutives couvrent, aujourd'hui, de l'ordre de 15 à 17% des besoins énergétiques humains sur Terre … et elle ne dépasseront jamais les 20% de ces besoins actuels pour des raisons thermodynamiques liées à la notion de rendement théorique maximal appelé, encore, rendement de Carnot (n'oublions jamais que leur combustible, la lumière solaire, a une très mauvaise qualité entropique).

 

Troisième regard …

La thermodynamique, disais-je, est formelle : en matière énergétique, il n'y a jamais de miracle. Les combustibles fossiles (nucléaire, pétrolier, gazeux, charbonnier) sont les produits de très longs et lents mécanismes de reconcentration au sein des processus astronomiques ou géologiques. Il a fallu, à la Terre, de l'ordre de 2 milliards d'années pour constituer les stocks de combustible dont l'activité industrielle humaine a consommé 80% en 150 ans. La Terre aussi a de très mauvais rendement de reconcentration, mais elle avait du temps devant elle.

Aujourd'hui, l'homme voudrait continuer sa course à la croissance (économique et démographique) et a besoin, pour ce faire, de quantité exponentiellement croissante d'énergie concentrée. La mythologie des énergies renouvelables est là pour lui faire croire que c'est possible. Or, ce ne l'est absolument pas : il n'y a jamais de miracle, ni en physique, ni en technique.

Il n'y aura pas, il ne pourra jamais y avoir de "transition énergétique". Ce concept est une imposture. Sauf dans le rêves des alchimistes "souffleurs", il est impossible de transformer du plomb en or !

Le problème n'est pas de produire autrement ; le problème est de consommer beaucoup moins.

C'est le principe de Frugalité et de Minimalisme que j'ai développés par ailleurs : "moins, mais mieux".

 

Mais alors, pourquoi cette très dispendieuse escroquerie des "énergies renouvelables" ? Tout simplement pour des raisons politiques et idéologiques.

Mettez-vous dans les chaussures d'un chef d’État qui devrait annoncé au bon peuple que nos modes de vie actuels sont condamnés à être transformés radicalement dans la prochaine décennie et que la frugalité sera la règle générale de base (avec une spectaculaire hausse des prix de toutes les ressources matérielles et énergétiques). Dès cette annonce faite, il n'y aurait pas que les ronds-points à être envahis par de nouveaux "gilets jaunes" assez stupides pour croire - parce qu'on le leur a fait croire - que tout peut continuer comme avant, pour l'éternité.

Allez faire comprendre à des gens qui vivent depuis des décennies au-dessus de leurs moyens à coups d'assistanats, que la fête est finie, qu'il n'y aura plus jamais de "logique d'abondance", qu'il faudra travailler beaucoup plus pour gagner la même chose, et qu'en tout, il faudra se montrer frugal. On comprend vite l'impasse politique que cela représente. Monsieur Macron a bien fait une timide tentative dans ce sens … avec les émeutes que l'on connaît derrière.

 

Il y a des décennies que l'ancien paradigme (le "monde d'avant" : celui de la modernité et de l'abondance) est en pleine déconfiture. Et pour "faire semblant" que tout continuerait comme avant, les Etats (les systèmes politiques, donc) se sont endettés pour financer l'illusion. Mais cet endettement a aujourd'hui atteint ses limites. Quelques astuces spéculatives, boursières et bancaires pourront sans doute apporter encore un peu de bois de rallonge, mais le système n'y survivra pas.

Derrière tout cela, il y a une idéologie moderniste cachée : celle de la croissance éternelle et infinie, celle de la richesse éternelle et infinie, celle de la technologie éternelle et infinie, celle de la productivité éternelle et infinie … Mais rien en ce bas monde n'est ni infini, ni éternel ! Il n'y a jamais de miracle dans le monde réel.

 

Pour ne pas conclure …

Le problème énergétique est emblématique de toute la problématique de l'utilisation des ressources naturelles qui, toutes, sont entrées dans une logique de pénurie.

La mythologie des ressources alternatives est un leurre qui coûte une fortune aux contribuables – sans qu'ils s'en aperçoivent - pour n'apporter aucune solution sérieuse à un problème dont la seule solution (la frugalité maximale) est totalement impopulaire.

J'ose donner quelques conseils aux politiques en charge des décisions énergétiques.

D'abord, il faut cesser de conspuer le nucléaire qui, avec l'hydroélectricité, est la seule technique durable de production d'énergie de masse.

Il faut apprendre, dès aujourd'hui, à sortir le la logique pétrolière et, notamment, …

  • Il faut encourager par tous les moyens la réduction drastique de tous les déplacements et tous les voyages ;
  • Il faut interdire les avions moyens courriers et réserver les longs courriers aux seuls indispensables voyages d'affaire, avec des avions petits ;
  • Il faut favoriser le transport fluvial et maritime contre les transports routiers ;
  • Il faut encourager toutes les solutions alternatives à la possession d'une voiture dans les grandes villes (transports en commun, location, ubérisation, Blablacar, etc …).

De plus, en toute généralité :

  • Il faut radicalement distinguer l'énergétique industrielle et l'énergétique domestique dont les problématiques et les solutions sont très différentes ;
  • Il faut voir qu'il n'existera jamais de solutions énergétiques nationales et il faut, donc, appliquer strictement, comme en toute matière, le principe de subsidiarité et comprendre que, les problèmes étant strictement locaux, il doivent être résolus localement ;
  • Il faut entendre que les solutions locales – surtout pour l'énergétique domestique, mais pas seulement – doivent être des mix optimalisés de techniques qui, d'alternatives, deviennent complémentaires (par exemple, des appoints intermittents avec des petites éoliennes locales et/ou des concentrateurs thermiques) ;
  • Il faut en conséquence, briser le monopole d'EDF, tant sur la production que sur la distribution d'électricité domestique, et cantonner EDF aux seuls énergies de masse ;
  • Il faut faire payer l'énergie, aux usagers, au prix réel : "qui consomme paie" doit être un leitmotiv universel ;
  • Il faut apprendre aux populations à consommer, en tout, beaucoup moins.

Pour le dire d'un mot, les décideurs politiques sont dans une impasse insurmontable : ils doivent sortir du déni de réalité et de la production de mythes idéologiques, quelque populaires soient-ils, et assumer et faciliter  un très impopulaire changement de paradigme.

Mais ils doivent cesser d'imposer aux populations concernées des solutions techniquement aberrantes, pour des motifs idéologiques ou politiques. L'exemple typique en est ces méga-éoliennes d'EDF dont personne ne veut et qui ne profitent qu'à leurs constructeurs allemands … alors que le "plan éolien" a été abandonné par ses anciens thuriféraires allemands, espagnols et scandinaves (c'est bizarre cette capacité française à importer, avec grand retard, les absurdités des autres).

En un mot : il est urgent d'entrer dans le "nouveau monde", que cela plaise ou non. La politique doit voir le long terme et abandonner toutes les démagogies électoralistes. Être un homme D’État, c'est assumer le risque de l'impopularité !

 

Marc Halévy

Physicien, philosophe et prospectiviste

Le 02/07/2019