Tisserand de la compréhension du devenir
Conférencier, expert et auteur

L'ordre cosmique

L'essentielle inversion épistémologiqu

Le mot grec kosmoV (cosmos) signifie, à la fois : "ordre", "beauté", "univers" et "monde". Mais le sens "ordre" est prédominant et archétypal car ce qui est en ordre est beau et la caractéristique majeure et essentielle de l'univers pris comme un tout, ou du monde civilisé, est d'être en ordre.

L'idée d'ordre est donc capitale tant sur le plan cosmologique que sur les plans de la Matière, de la Vie et de l'Esprit (notamment de l'esprit humain tant personnel que communautal).

Comme je l'avais déjà montré maintes fois, l'idée d'ordre s'exprime sous les espèces de quatre modalités les plus apparentes :

  • l'ordre entropique (la vacuité),
  • l'ordre mécanique (la machine),
  • l'ordre chaotique (la fumée),
  • l'ordre organique (la forêt).

Mais ces quatre types d'ordre ne font que refléter quatre modalités du principe d'ordre. Comment formuler celui-ci ? Qu'est-ce qui "fait ordre" ?

La réponse prend sa source chez Ilya Prigogine : l'ordre résulte de la dissipation optimale des tensions au sein d'un système ; et j'ai proposé trois sources universelles de tension sous la forme de trois bipolarités universelles :

  • celle dynamique entre constructivité (intention) et conservativité (mémoire),
  • celle eidétique entre complexité (néguentropie) et uniformité (entropie),
  • celle topologique entre déploiement (expansion) et encapsulement (restriction)

L'ordre, alors, correspond à la configuration spatiotemporelle qui atteint le niveau de moindre tension (dont le principe de la moindre action, du moindre encombrement et du moindre chaos ne sont que des expressions particulières).

Les six sources de tension sont aussi sources d'ordre lorsqu'une d'elle impose sa prédominance. Ainsi :

Prédominance

Constructivité

Conservativité

Complexité

Uniformité

Expansion

Restriction

Ordre

Créativité

Mécanicité

Prodigalité

Vacuité

Spatialité

Compacité

 

On peut remarquer que, dans la perception humaine courante, une chambre ou un bureau, par exemple, seront dit "en ordre" s'ils ont les caractéristiques de mécanicité, de vacuité et de compacité. La cosmologie classique partage les mêmes aspirations.

Autre exemple : toute l'esthétique zen est construite sur l'idée de vacuité (qui n'est ni néant, ni vide).

Et de façon plus générale, toutes les écoles artistiques se distinguent entre elles par leurs préférences en matière de critères d'ordre.

Les écoles métaphysiques et philosophiques aussi.

 

Faut-il s'en étonner dès lors que l'activité de l'esprit est une perpétuelle interrogation sur "l'ordre adéquat" en matières de politique, d'épistémologie, d'esthétique, d’écosystémie, de biologie, de sociologie, de noologie, d'art, d'éthique, etc …

Partout l'on trouve le même souci : la minimisation des tensions et la dissipation optimale de ces tensions.

 

Car là est le point crucial : la minimisation des tensions et la dissipation optimale de ces tensions !

Tout, dans l'univers, évolue de l'intérieur par action, et non par réaction à une influence extérieure. Mais cette "action depuis l'intérieur" fonctionne selon des lois (le préfèrerais utiliser le mot "protocoles") strictes et sous contrainte des évolutions intérieures des autres processus adjacents.

 

Marc Halévy

Physicien, philosophe et prospectiviste

Le 06/09/2020