Tisserand de la compréhension du devenir
Conférencier, expert et auteur

Manifeste constructiviste et téléosophique.

es âges ontique et messianique sont derrière nous. Nous entrons dans l'âge initiatique qui fait de la Construction du Réel, son activité (constructivisme) et de l'Intention du Réel, son guide (téléosophie ou téléocentrisme).

 

L'histoire de la culture occidentale s'est organisée en trois âges successifs.

Ces trois âges civilisationnels correspondent aux trois questions premières :

 

  • Où suis-je ? C'est prendre conscience que l'on est "jeté au monde" selon l'expression de Martin Heidegger, que l'on est pris dans un "quelque chose" qui est extérieur à soi et qu'il faut comprendre pour y survivre. En route vers cette compréhension de l'Ordre du monde, deux chemins s'ouvrent : celui du Kosmos qui est immanent à la Nature et celui du Théos qui est transcendant à la Nature. Ce cosmocentrisme et ce théocentrisme constituent les deux faces complémentaires de l'âge ontique (de -1250 à 400), celui de l'holocentrisme (le centre est le Tout).
  • Qui suis-je ? C'est prendre conscience d'une intériorité intime qui est face au monde, qui nous habite et nous anime : il existe "quelque chose" en chacun qui fait l'humain contre l'inhumain du monde, et ce qui fait cet humain doit être libéré pour être sauvé de l'inhumanité. Encore une fois, cet anthropocentrisme peut prendre deux voies : celle qui choisit le Salut hors du monde, au-delà du monde, dans le monde de l'au-delà, et celle qui choisit l'Emancipation dans un monde qu'il faut humaniser par un immense effort de "progrès" contre-nature. Ces deux voies, l'une sotériologique, l'autre idéologique, constituent les deux visages de l'âge messianique (de 400 à 2050), celui de l'endocentrisme (le centre est l'âme humaine).
  • Que fais-je ? C'est prendre conscience que le monde "extérieur" et le moi "intérieur" ne sont que deux manifestations complémentaires d'un même processus de construction, d'un même chantier qu'expriment, en même temps, l'Ordre du monde extérieur et la Libération de l'âme intérieure. Mais il ne peut exister de chantier s'il n'existe pas d'abord, "sous lui", une Intention de construire "quelque chose". C'est cette Intention originelle qui est l'Architecte de tout ce qui existe, avec deux beaux visages complémentaires : celui de l'Architecte-ingénieur (qui calcule, planifie, économise, optimise, solidifie, …) et celui de l'Architecte-artiste (qui improvise, crée, invente, essaie, ose, …). Il faut alors prendre conscience que l'accomplissement holocentré du monde et l'accomplissement endocentré du moi ne sont que les deux faces complémentaires du seul et unique accomplissement de l'Intention originelle : l'un ne va pas sans l'autre car l'accomplissement de soi passe aussi par l'accomplissement de l'autour de soi. Ce chantier de l'accomplissement de l'Intention par l'accomplissement de l'Ordre du monde et l'accomplissement de la Libération de l'âme, appelle un téléocentrisme (le centre est l'intention) qui sera le cœur vivant de l'âge initiatique qui vient.

 

En somme, il faut dépasser l'illusion de l'Être extérieur et l'illusion de l'Être intérieur pour enfin embrasser le Devenir au-delà de toute notion d'Être.

Cet embrassement est un embrasement qui "initie" le voyage vers l'accomplissement de l'Intention.

 

La seule grande question qui reste alors est celle-ci : quelle est l'Intention originelle qui alimente, justifie et donne sens à tous les accomplissements ? quelle est la nature profonde de cette Intention qui fera (fait déjà, sans que nous le sachions clairement) tout communier (du latin cum munire : "construire ensemble") ?

 

Le téléocentrisme est un constructivisme.

Le constructivisme n'est jamais assemblage, mais il est toujours émergence, comme un arbre qui pousse à partir de sa graine fécondée.

Tout ce qui existe se construit par accumulation, sans plan mais mû par une intention unique et immanente, en inventant, au fil du chantier, les pratiques de construction les plus adéquates pour que le processus d'ensemble s'accomplisse, optimalement, en plénitude.

 

La plénitude n'est pas un but final, mais bien une intention continuellement présente, dans chaque ici et maintenant.

Pour les hommes, "plénitude" et "sacré" se confondent.

Pour une personne ou une communauté, qu'est-ce qui est "sacré" ?

Qu'est-ce qui exprime ce pour quoi on est prêt à faire tous les "sacrifices" (ce qui fait le "sacré") en s'y "consacrant" (se "sacraliser" avec) totalement ?

 

On peut affirmer que le Réel a un sens, non parce qu'il est orienté vers une finalité qui aurait été définie a priori, mais bien parce qu'il est guidé par une même intention renouvelée à chaque instant présent.

 

L'unité cohésive et cohérente de l'univers est induite et maintenue par l'unicité et la cohérence de l'Intention cosmique.

Un processus n'est possible et ne s'accomplit qu'en interdépendance avec les autres processus avec lesquels il interfèrent.

 

Accomplir, c'est croître en cohérence.

L'univers entier, et tout ce qu'il contient, vise, dans toutes les dimensions, à atteindre la cohérence maximale ; toute son évolution n'a que cette intention-là.

S'accomplir, c'est faire croître sa cohérence personnelle dans toutes les dimensions de son devenir.

Accomplir le monde, c'est en faire émerger une cohérence plus forte.

L'ennemi de la cohérence, c'est le chaos.

L'univers a horreur du chaos bien plus que du vide.

 

Le Réel n'est en aucun cas "aveugle", livré au non-sens ou au hasard, à l'absurde et au n'importe quoi ; faute de savoir où il va, il sait au moins quels sont son désir, sa soif, son appétit, son souhait, son goût, sa volonté, son ambition, son inclination, son aspiration, sa demande, sa tendance, etc … bref : son Intention !

Le Réel a donc une Âme c'est-à-dire un "moteur" qui l'anime.

Le Réel ne va pas quelque part, le Réel évolue vers la construction de sa propre plénitude.

 

Marc Halévy

Physicien, philosophe et prospectiviste

Le 08/11/2020