Tisserand de la compréhension du devenir
Conférencier, expert et auteur

Trilogie économique de base : ressources - usages - déchets

Ce que dit la thermodynamique.

Pour transformer des ressources en usages, il faut produire des déchets.

L'énergie se conserve dans ce processus.

Mais la néguentropie ne s'y conserve pas. La néguentropie d'un produit d'usage est toujours nettement supérieure à celle des ressources utilisées pour le produire. La transformation de ressources en usages est toujours une concentration néguentropique.

Cette concentration néguentropique a toujours un rendement inférieur à 1 et engendre, donc, des déchets entropiques (à bien plus haute entropie, donc).

Si l'on étudie le système Soleil/Terre, on peut le considérer comme fermé (toute l'énergie solaire vient de la fusion nucléaire stellaire qui transforme de l'hydrogène en noyaux plus lourds).

Le rapport entre Déchets, d'une part, et le couple Ressources et Usages, d'autre part, est complexe.

Le second principe de la thermodynamique affirme qu'après transformation, l'entropie d'un système fermé (ici le système Soleil/Terre) est toujours supérieure à celle d'avant transformation.

Donc :

ER < ED + EU           

ce qui signifie que :            ER/(ED+EU) < 1

                        ce qui signifie aussi que : -EU = NU < ED - ER

                        avec, donc :            NU / (ED - ER) < 1           

où NU représente ce que l'on a produit d'utile et où (ED - ER) représente ce que  l'on a détruit.

Du fait des rendements globaux toujours inférieurs à 1, on constate que l'on détruit toujours plus que ce que l'on produit.

 

Outre cette conclusion majeure, il faut aussi remarquer que la transformation des Ressources en Usages induit des Déchets en différé, tant dans l'espace que dans le temps.

Premier exemple : pour vendre des meubles en ville, je dois détruire des arbres dans les forêts, loin des villes.

Second exemple : en pratiquant l'agriculture et la pêche intensives aujourd'hui, je détruis les sols et les fonds marins tuant l'agriculture et la pêche de demain.

Ces deux effets de différé se traduisent, mathématiquement comme ceci :

NU(t,x) < ED(t,x) + ED (t+Dt,x+Dx) - ER(t,x)

 

Pour être complet, il faut encore introduire la production d'entropie cachée, notamment par la destruction de ressources gratuites. Posons EC cette entropie générée mais ignorée. Il vient :

NU(t,x) < ED (t+Dt,x+Dx) + EC(t,x) + EC (t+Dt,x+Dx) - ER(t,x)

 

Donc, si l'on se contente de faire le bilan global au moment t et à l'endroit x (mathématiquement ceci implique de faire l'impasse sur les effets différés et d'en annuler l'action dans l'équation), et si l'on ne prend en compte ni ces destructions différées, ni les destructions cachées, tout se passe comme si :

ED (t+Dt,x+Dx) + EC(t,x) + EC (t+Dt,x+Dx) = 0

et on arrive à ceci :

NU(t,x) < ED(t,x) - ER(t,x)

 

L'habitude a été prise d'injecter dans cette inéquation deux facteurs réels de création de néguentropie qui permettent des manipulations .

Le premier concerne le taux de renouvellement de certaines ressources naturelle : NN et le second concerne le taux de recyclage des déchets : NY.

On pourrait alors croire que l'inversion de l'inéquation est possible si ces taux de renouvellement et de recyclage sont suffisamment importants, puisqu'on pourrait alors espérer atteindre ceci :

NU(t,x) + NN(t,x) + NY(t,x) > ED(t,x) - ER(t,x)

Ce raisonnement est un pur leurre car les productions néguentropiques que sont le renouvellement de certaines ressources naturelles et le recyclage de certains déchets sont, elles aussi, soumises au second principe de la thermodynamique et détruisent, elles aussi, plus qu'elles ne produisent.

Cela signifie que l'on obtient trois inéquations :

 

NU(t,x) < ED (t+Dt,x+Dx) + EC(t,x) + EC (t+Dt,x+Dx) - ER(t,x)

NN(t,x) < ED(N) (t+Dt,x+Dx) + EC(N)(t,x) + EC(N) (t+Dt,x+Dx) - ER(N)(t,x)

NY(t,x) < ED(Y)( t+Dt,x+Dx) + EC(Y)(t,x) + EC(Y) (t+Dt,x+Dx) - ER(Y)(t,x) 

L'équation finale, correcte et définitive, que l'on obtient en sommant ces trois inéquations parallèles est donc bien celle-ci :

NU(t,x) + NN(t,x) + NY(t,x) << ED (t+Dt,x+Dx) + EC(t,x) + EC (t+Dt,x+Dx) - ER(t,x) +

                                                  ED(N) (t+Dt,x+Dx) + EC(N)(t,x) + EC(N) (t+Dt,x+Dx) - ER(N)(t,x) +

                                                  ED(Y)( t+Dt,x+Dx) + EC(Y)(t,x) + EC(Y) (t+Dt,x+Dx) - ER(Y)(t,x)

Les technologies peuvent améliorer les rendements néguentropiques des transformations des Ressources en Usages, des Renouvellements et des Recyclages, mais le sens de l'inéquation n'en changera pas du fait de la réalité incontournable du second principe de la thermodynamique.

La seule astuce possible, surexploitée aujourd'hui, est de "diminuer" artificiellement et fallacieusement l'impact des destructions dans l'équation de base, en transformant le maximum de celles-ci en destructions différées ou en destructions cachées.

De gros efforts de technologies, d'aides au renouvellement et de recyclages atténuent l'effet entropique global de destruction irrémédiable, mais ne peuvent inverser le sens de l'inéquation de base.

Cela signifie que, par quelque bout qu'on le prenne, le problème aboutit à ceci : ou bien l'on continue de détruire de plus en plus en consommant de plus en plus et la fin de l'humanité s'accélère, ou bien on consent à une forte décroissance de démographie et de consommation, et l'on allonge la durée de vie de l'humanité sur Terre.

Mais la fin de l'homme est inéluctable, d'une part (un jour le soleil entrera dans sa phase s'expansion finale et brûlera tout), et la seule issue pour "tenir" le plus longtemps possible est de réduire la population humaine à moins de deux milliards d'individus et de limiter au maximum la consommation individuelle de tout (en éradiquant tout ce qui est superflu et en limitant tout au strict nécessaire).

 

Au moins pour l'heure présente, l'homme est incapable de mener à bien ces deux évolutions majeures quoique salvifiques.

Il faut donc s'attendre à des catastrophes démographiques provoquées soit par la Nature, soit par la technologie (les armes bactériologiques, par exemple).


Marc Halévy, 17 avril 2014.