Tisserand de la compréhension du devenir
Conférencier, expert et auteur

La Genèse ... autrement

Les monothéismes tardifs ont absolument déformé et tordu la cosmogonie biblique et ont forcé les textes à accueillir leur fantasmes d'un Dieu créateur et unique, extérieur et étranger au monde naturel. Il est temps de restituer ces texte dans leur sens originel, tel que la Kabbale continue de les transmettre.

Il faut combattre la vision créationniste que l'on donne du livre biblique de la Genèse !

Il n'y a nullement création (surtout pas ex nihilo puisque le Ciel et la Terre préexistent et que la Terre est déjà quadratiquement préstructurée en Ténèbre et Abîme, et en Souffle et Eau). La première émanation : la "Lumière", viendra après comme déclencheur de toute la suite.

 

Le premier chapitre du livre de la Genèse est un récit quasi darwinien de l'émergence du monde. Le nom de Dieu n'y apparaît nullement ; on y parle des Elohim : des Puissances qui sont des émanations et nullement des créateurs. Tous les verbes sont conjugués sur le mode inaccompli et sont donc prédictifs et nullement créatifs. Les dix Paroles de la Genèse ne sont que des Paroles qui prédisent ce qui va se passer mais non des Paroles qui font que les choses se passent.

 

Le verbe Bara qui intervient deux fois seulement et qui est erronément traduit par "créer", signifie "engendrer" ou "ensemencer" … et certainement sans aucune connotation d'une creatio ex nihilo. De plus tous les verbes sont conjugués à la troisième personne du singulier, sans spécification de leur sujet, ce qu'il faut rendre par un "on" impersonnel ou par le "il" de "il pleut".

Lorsqu'il parle, "il" s'adresse à ses propres Puissances qu'il a fait émaner de lui.

 

L'émergence du monde se fait en six "jours" bien marqués ("il adviendra un soir, il adviendra un matin") qui correspondent bien aux diverses étapes de l'évolution réelle des choses et des êtres sur la Terre, selon l'échelle des complexités : l'eau, le sol, les non-mammifères, les mammifères et les humains "mâles et femelles".

L'anachronisme apparent de l'apparition des "luminaires" : le soleil, la lune et les étoiles, au quatrième jour, dit seulement que ceux-ci ne se mettent à exister que dès lors qu'il existe des yeux pour voir leur lumières, au cinquième jour.

 

Il faut encore bien comprendre que le premier chapitre du livre de la Genèse, parle de l'émergence de l'humain réel, de chair et de sang, un humain portant le nom générique 'Adam (qui n'est alors pas un prénom), parèdre de 'Adamah : l'humus, dont il est formé.

 

Le second récit de "l'apparition de l'humain" dans le Jardin d'Eden, ne parle pas de l'histoire et de l'évolution réelles de la Terre et de tout ce qu'elle porte, nourrit et englobe. Ce second récit qui couvre les chapitre 2, 3 et 4 (surtout 2 et 3), est un récit symbolique et mythique qui se déroule dans la tête de YHWH, un des Elohim, qui deviendra le Dieu tutélaire de la Maison d'Israël et qui rêve de l'humain qu'il aimerait pouvoir prendre sous sa tutelle dans un pacte d'Alliance à venir ; pacte qui s'ébauchera avec Noé, s'approfondira avec Abraham et se finalisera avec Moïse.

 

Ce second récit esquisse une anthropologie qui se voudrait positive, ambitieuse et optimiste dans le chef de YHWH, mais qui se heurte très vite aux faiblesses humaines. Les protagonistes en sont YHWH celui parmi les Elohim qui se tracasse des humains ; 'Adam qui est l'humain proprement dit, mâle et femelle" ; le Jardin d'Eden qui est un lieu symbolique, le lieu de toutes les nourritures et de ces deux symboles inouïs : l'Arbre de Vie en son milieu et l'Arbre de la Connaissance du Bon et du Mauvais, ailleurs, le lieu où devrait se dérouler le passage initiatique de l'animal à l'humain, de l'innocence à la conscience, de l'ignorance à la connaissance ; le Serpent (Na'hash c'est-à-dire aussi le "Devin") qui est le mystagogue, complice de YHWH, dans cette entreprise initiatique ; et 'Hawah, la "Vivante" (dont on a fait "Eve" en français), que l'on a trop longtemps identifiée à la femme, "épouse de l'homme", tirée d'une de ses côtes ou de son côté.

 

Adam est le côté matériel, charnel, corporel et physique de l'humain. 'Hawah en est le côté vital (et, effectivement, c'est la femme qui construit et donne la vie).

La Matière est la lourdeur, le passé et le présent. La Vie est la légèreté, le présent et le futur. Toutes deux sont animées par la Nishamah, le souffle divin insufflé dans les narines de l'humain ; cette âme possède deux faces, à la fois Animus (mâle) et Anima (femelle) que la langue latine (bien avant Carl Gustav Jung) avaient déjà dissociées.

L'Anima latine (qui est 'Ishah en hébreu, la personnalité vitale) est le "principe de vie" ou la vie-même, alors que l'Animus latin (qui est 'Ish en hébreu, la personne réelle) est "le désir", "l'esprit" ou "l'intention".

Et comme il faut vivre pour devenir, mais que vivre sans devenir, c'est s'étioler et se perdre, 'Adam et 'Hawah sont indissociables non en tant qu'homme et femme, mais bien en tant que les deux faces inséparables de tout humain en voie de devenir Sage, selon le vœu de YHWH.

Marc Halévy

Physicien, philosophe et prospectiviste

Le 11/03/2020