L'esprit critique ...
Le contexte ...
Aujourd'hui, un peu partout, des voix s'élèvent pour dénoncer la dissolution de l'esprit critique du fait de deux courants massifs, complémentairement négatifs et nocifs :
- le triomphe de la croyance contre la véridicité, surtout du fait de la désinformation structurelle instiguée par les "réseaux sociaux", et de la popularité (même dans les facultés des "sciences" humaines des Universités) des courants philosophiques appelés déconstructionnisme (Derrida, Foucault, Althusser, Sartre, Beauvoir, ...) et wokisme (réduction du monde humain à une relation dominant-dominé ou maître-esclave et promotion de l'intersectionnalité : "dominés de nature, unissez-vous")
- une quête d'un exorcisme aux souffrances et paniques induites par la période chaotique que nous traversons du fait de l'effondrement concomitant du paradigme de la Modernité (de 1500 à 2050) et de l'ère du Messianisme (de 400 à 2050)
Le paradigme de la Modernité est le dernier des trois paradigmes successifs de l'ère du Messianisme. Il était fondé sur l'idée de Progrès et gouverné par les Etats souverains ; il fut précédé par le paradigme de la Féodalité (de 950 à 1500) fondé sur l'idée de Salut et gouverné par l'Eglise catholique ; lui-même fut précédé par le paradigme de la Christianité (de 400 – chute de l'Empire romain – à 950 – mort du dernier carolingien) fondé sur l'idée de Foi et gouverné par les réseaux de Monastères sous la couronne bienveillante des empereurs mérovingiens et carolingiens.
L'ère du Messianisme (de 400 à 2050) fut, elle, précédée par l'ère du Mythologisme (de -1250 à 400) exprimé par trois paradigmes successifs : celui de la Chaldéïté (de -1250 à – 700) basé sur la civilité mythique, celui de l'Hellénité (de -700 à -150) basé sur la rationalité philosophique et celui de la Romanité (de -150 à 400) basé sur l'efficacité éthique.
A remarquer que le Mythologisme explique tout par le Passé et que le Messianisme explique tout par l'Avenir (l'avenir de l'âme personnelle pour le messianisme religieux, puis l'avenir de la société humaine pour le messianisme idéologique qui le remplaça à partir du 16ème siècle).
La nouvelle ère qui commence, sera l'ère de l'Eudémonisme et s'ancrera dans le Présent (en n'oubliant rien du Passé ni ne faisant fi de l'Avenir).
Tout passage d'une ère à la suivante et/ou d'un paradigme au suivant, passe par une phase chaotique qui dure de l'ordre d'un demi siècle (nous sommes en plein dedans quelque part depuis 1980 ou 1985 jusqu'aux environs de 2035 ou 2040).
Cette phase est dite "chaotique" pour les deux raisons suivantes :
- les sous-systèmes de régulation de l'ancien paradigme comme, en ce qui concerne notre époque, l'étatisme politique et bureaucratique, le financiarisme axé sur le dollar, l'égalitarisme obsessionnel, le souverainisme national, etc ..., fonctionnent de plus en plus mal ;
- les sous-systèmes de régulation du nouveau paradigme ne sont encore ni conçus, ni opérationnels ;
- il n'y a donc plus de régulation, ce que prouvent, au quotidien, la montée des violences, des trafics, des suicides, des haines, des fermetures nombrilistes, communautaristes ou sectaires.
L'esprit critique, c'est QUOI ?
Pour le comprendre, il faut commencer par distinguer, très profondément, la réalité, se perception, sa représentation et son expression :
- il y a ce qui existe vraiment (tant en moi qu'autour de moi),
- il y a l'apparence que j'en perçois,
- il y a le modèle que je m'en conçois au travers de mes langages et de mes logiques de cohérence psychique,
- et il y a ce que j'en dis (tant à moi-même qu'à "l'autre").
L'esprit critique commence avec la prise de conscience profonde et active que ces quatre facettes du même "étant" sont différentes.
Ces différences ne traduisent pas nécessairement la volonté de tromper, mais sont aussi, parfois, inhérente à l'imperfection naturelle de nos outils de perception, de représentation et d'expression.
L'esprit critique, fort de cette conscience des quatre facettes de tout, est l'art de (se) poser les bonnes questions de façon à les faire converger le plus possible et, ainsi, de faire que ce que l'on dit, ce que l'on conçoit et ce que l'on perçoit soient aussi proches que possible de la réalité telle qu'elle est en elle-même.
Toute la méthode scientifique s'appuie sur cet effort de convergence.
Le travail de l'esprit critique se heurte à deux extrémismes :
- le nihilisme qui nie toute possibilité de cette convergence des quatre facettes au nom de diverses doctrines comme "la réalité n'existe pas" (subjectivisme absolu), comme "tout est mensonge" (complotisme ... inconscient que si "tout est mensonge", cette affirmation, elle aussi, est mensongère), comme "tout est relatif" (relativisme absolu ce qui, une fois encore, est une absurdité logique), comme "tout est artificiel" (déconstructionnisme pour lequel tout est construction sociale et culturelle, toujours manipulatoire et totalement en dehors de la réalité qui est absolument inaccessible) ;
- le dogmatisme qui affirme l'inutilité de cet effort de convergence des quatre facettes, puisqu'il détient la vérité intangible et prétend maîtriser parfaitement la connaissance de la réalité qu'il ne s'agit plus de chercher, mais de croire !
POUR QUOI il faut réactiver l'esprit critique.
Pour les raisons évoquées plus haut, nous vivons une époque où l'esprit critique s'étiole (du fait de l'angoisse liée au chaos, du besoin de se rassurer et de l'emprise des outils d'intoxication tant narcotique qu'informationnelle) : il est plus facile de croire ce qui rassure que de rechercher ce qui est vrai.
J'en profite pour faire une mise au point ...
La Vérité existe ... mais elle est hors d'atteinte humaine. L'humain est seulement capable de véracité et de véridicité ...
En revanche, la véracité, elle, ressort du domaine humain et n'a de valeur que si elle tend véritablement vers la Vérité c'est-à-dire vers la réalité.
Face à cette véracité qui tend vers la Vérité avec méthode et précaution, avec sérieux et dépassement des intérêts humains, le monde humain fourmille de mensonges et de faussetés qui tous, directement ou non, contreviennent à la réalité, ou s'inventent des fantasmes en dehors de cette réalité, ou se gargarisent de mondes illusoires et délirants où tout n'est plus que fumisterie, manipulation ou fantasmagorie.
L'esprit critique est une méthode. Elle est indispensable pour que l'esprit humain aille à la rencontre de la réalité. Mais pour quoi (en deux mots pour marquer le projet et non la cause) faudrait-il faire l'effort de cette rencontre ? Pour deux raisons majeures :
- parce que l'humain est partie intégrante de cette réalité du monde, en connexion permanente avec tout ce qui existe et soumis, comme tout le reste, aux mêmes lois cosmiques et éternelles ; refuser ce fait, c'est forcément se mettre en opposition avec la réalité qui, évidemment, si la guerre advient entre l'humain et elle, finira toujours par triompher rudement ;
- parce que notre époque vit l'émergence d'une nouvelle ère principielle (celle de l'Eudémonisme après le Mythologisme et le Messianisme) et d'un nouveau paradigme qui inaugure cette nouvelle ère (le paradigme de la Noéticité qui établira la socioéconomie de la connaissance et de l'immatériel avec des outils numériques et algorithmiques comme incroyables amplificateurs de l'intelligence humaine – l'IA est l'Intelligence Amplifiée et non pas Artificielle) ; pour qu'elle prenne réalité (sinon l'effondrement total de l'humanité est en jeu), une telle émergence nécessite impérieusement que l'humain se mette en phase et en résonance avec la réalité (et ses lois éternelles).
Si l'on veut que l'humanité se reconstruise harmonieusement et solidement après le "cataclysme" d'effondrement dont nous vivons la fin, il est indispensable, à toutes les échelles et dans toutes les dimensions, de se mettre en phase et en résonance avec la réalité (tant personnelle, qu'entrepreneuriale, que sociétale, que spirituelle .... et que "cosmique").
Et cette mise en phase et résonance passe nécessairement par l'esprit critique donc par l'opposition intelligente et systématique à tous les nihilismes et à tous les dogmatismes.
L'humain et le monde doivent réapprendre à converger (écologiquement, économiquement, comportementalement, technologiquement, etc ...). Il faut passer outre l'anthropocentrisme cartésien où l'humain serait "maître et possesseur de la Nature".
Toutes les entreprises humaines doivent être fondées, construites et gérées dans cette idée de reconstruction du monde humain en phase et résonance avec la réalité. Sinon, toutes ces entreprises sont vouées à l'échec. Il faut apprendre à tourner la page de la Modernité et des Messianismes (tant religieux qu'idéologiques) : la réalité n'est pas un jeu de Lego démontable et remontable, régi par un déterminisme quantitatif et mathématique. La réalité est un organisme vivant et complexe où tout est dans tout et où tout est cause et effet de tout ... et réciproquement.
COMMENT on peut et on doit réactiver l'esprit critique.
Personne, aussi hiérarchiquement haut placé soit-il, aussi diplômé et savant soit-il, aussi populaire et vedettarisé soit-il, aussi démagogiquement élu soit-il, personne ne peut échapper à cette exigence d'une profonde et énergique réactivation de l'esprit critique. Nul n'est à l'abri de fausses croyances, d'insidieuses manipulations ou de perfides désinformations.
Sans sombrer ni dans la déprime, ni dans la paranoïa, ni dans le complexe de persécution, ni dans la méfiance maladive de tout et de tout le monde, l'esprit critique doit être impérativement maintenu en éveil, à son plus haut niveau, en permanence et vis-à-vis de tous les problèmes de la vie réelle et quotidienne.
Comment faire ?
- Se rappeler en permanence le quadripôle : réalité, perception, conceptualisation et expression.
- Ne jamais faire aveuglement confiance ni à ce que l'on perçoit (ce que l'on voit, entend, ressent), ni à ce que l'on pense (liens mémoriels et/ou logiques et/ou "évidents" entre le perçu et le connu), ni à ce qui est formulé (adéquation du langage, qualité sémiologique), ni à ce que l'on dit ou entend dire.
- Ne pas chercher cette "vérité" idéale inatteignable, mais chercher la véracité (s'approcher le plus possible de la réalité) et pratiquer la véridicité (dire ce que l'on croit "vrai").
- Rejeter toutes les formes d'idéalisme (quitte à passer pour un "sans cœur" ou un "égoïste sans scrupule") et vivre en adepte inconditionnel du réalisme (sans sombrer ni dans le machiavélisme, ni dans le cynisme, ni dans le nombrilisme).
- Poser toutes les questions à soi-même lorsque l'on pense, et aux autres lorsqu'ils parlent.
- Comprendre quelles sont les réticences intérieures (peur, angoisse, orgueil, réputation, statut, remise en cause de soi et de ses convictions, etc ...) que chacun (donc soi-même) cultive et qui font rechigner devant la réalité.
Tout ce qui vient d'être proposé, est valable pour chaque humain, à tous les niveaux : ceux de sa vie intérieure, familiale, amicale, entrepreneuriale, dirigeante, citoyenne, etc ...
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